Il n’est pas besoin de détailler les termes du deal et la complexité du projet qu’il impose, de peur de fatiguer tes lecteurs et d’enfreindre surtout le Non Disclosure Agreement que tu as signé avant de monter à bord. Mais, au fait, pourquoi as-tu pris cette décision ?
Sans doute, justement, parce que ce projet est apparu, de prime abord, pour ce qu’il est : un défi intellectuel en même temps qu’une opération de secours inédite et peu rationnelle. Une sorte de sauvetage en montagne en hélicoptère par temps de brouillard. Mais aussi, parce que c’est un projet rare et que “ça ne se fait pas” de refuser une telle proposition. Toute la place financière en parle, tous les cabinets de conseil sont sur les dents ; il est dès lors flatteur “d’en être” et un brin jouissif d’attirer la jalousie de tes ex-collègues et concurrents. Enfin, c’est long - deux ans - et bien payé, de quoi te permettre de concilier le précariat de luxe du consultant indépendant avec la conviction d’apaiser ta peur de manquer, en rêvant dès le début des grandes vacances que tu vas pouvoir t’offrir à la fin du projet. L’illusion de concilier l’inconciliable.
Au fil des mois, l'illusion se dissipe pour laisser la place à la réalité de modes de travail mettant à mal le temps et l’espace, et donc le corps et l’esprit des participants au projet.
Pour commencer, quelques mots sur le casting des "chefs" : des hommes, fidèles au costume malgré 2 ans de pandémie, à la culture financière et anglo-saxonne. Des investisseurs US, un patron de projet anglais domicilié à Amsterdam, un Delivery Program Manager français vivant à Londres, un patron informatique belge vite remplacé par un binôme suisse-allemand, des senior advisors au track record impeccable, qui sont basés dans le monde entier - Australie, Canada, Etats-Unis – et te bombardent de questions éloignées du terrain lors de tes laborieuses présentations en Design Authority Commitee ou en SteerCo... Cela te donne vite l'impression qu'on veut sauver cette banque française par les mêmes techniques de management hors sol employées pendant 20 ans par ceux qui l'ont coulée.
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